7 Février : Eléodon ou l'illusion du temps immobile
10- Eléodon ou l’Illusion du Temps Immobile
https://youtu.be/QJYULwS8NJc
Dans un petit village blotti entre des collines verdoyantes, là où les ruisseaux chantaient doucement et où les champs s’étendaient comme une mer ondulante d’or et de vert, vivait un garçon nommé Eléodon.
À sept ans, Eléodon avait des idées bien arrêtées. Rien ne lui semblait plus absurde que cette histoire de temps qui s’écoule, change, transforme. Pour lui, tout restait identique, immuable, figé comme une peinture parfaite. Sa maison de pierres? Elle serait toujours là, telle qu’il l’avait connue. Son chien Max, un chiot fougueux et joueur ? Il bondirait éternellement dans les hautes herbes. Lui-même ? Il ne vieillirait jamais d’un seul jour. Et son papa et sa maman ne changerait pas. Tout était donc immuable.
— « Eléodon, mon garçon, profite ! » lui disait Mamie Eglantine, une vieille dame au visage sillonné de rides et buriné par les assauts de la vie. « Le temps file comme un lièvre poursuivi par le vent ».
Eléodon riait. Un lièvre ? Non, il n’avait jamais vu le temps courir. Il était persuadé que tout était figé.
Un matin, décidé à prouver à tout le monde qu’il avait raison, il prépara son sac et s’élança avec Max vers les bois.
Il fit d’abord halte sous le grand chêne au bord de la rivière près de la pierre qui bouge. Un colosse aux racines noueuses, dont l’ombre recouvrait une bonne partie du sentier. Il était majestueux, Eléodon posa la main sur son écorce rugueuse.
— « Tu vois, Max ? Exactement pareil qu’hier. Rien ne change ! »
Max, occupé à flairer une trace dans les broussailles, ne sembla pas impressionné.
Ils traversèrent le vieux pont, passèrent devant le moulin aux ailes grinçantes, et chaque chose leur parut aussi familière qu’elle l’avait toujours été.
— « Preuve irréfutable ! » déclara Eléodon, triomphant.
Mais alors qu’ils longeaient la rivière, un étrange frisson parcourut l’air. Un vent invisible se leva, tourbillonnant autour d’eux comme une spirale de murmures. Puis, soudain…
Le temps s’emballa.
Les nuages défilèrent dans le ciel à une vitesse effrénée, le soleil bondit dans le ciel, puis s’éclipsa aussitôt. Il faisait jour puis nuit puis jour puis nuit encore et encore. Les saisons se succédèrent à un rythme fou : les bourgeons éclosaient et les feuilles naissaient, fanaient et tombaient en un instant, les champs verts se doraient puis se couvraient de givre.
Eléodon tituba sous l’effet du vertige et tomba assis par terre.
— « Max ?! »
Il se retourna… et vit son chien vieillir sous ses yeux.
Son chiot insouciant, toujours prêt à bondir, s’étira, grandit, ses pattes s’allongèrent, son pelage s’épaissit. Max n’était plus un chiot… mais un chien adulte.
— « Non, non… souffla » Eléodon, stupéfait.
Mais le temps ne s’arrêta pas. Max continua d’évoluer : son museau se pointa, ses muscles se raffermirent, puis, lentement, son pas devint plus lourd. Des poils blancs apparurent autour de ses yeux, ses mouvements se firent plus lents. Max vieillissait.
— « Arrête ! » cria Eléodon, « Arrête ! » mais le monde ne l’écouta pas.
Max était maintenant un vieux chien. Son pelage était grisonnant, ses pattes tremblaient légèrement. Son regard n’était plus celui d’un chiot, mais celui d’un compagnon ayant vécu mille jours et autant d’aventures à ses côtés.
Le cœur de Eléodon se serra, une larme roula sur sa joue.
— « Non, non, tu étais mon petit chiot… » murmura-t-il en caressant la tête du vieil animal.
Le temps n’était donc pas un simple décor immobile. Il était un fleuve impétueux, une marée invisible qui façonnait tout sur son passage. Lui aussi changerait. Il grandirait, sa voix muerait, son visage s’affinerait puis vieillirait. Mamie Eglantine, si sage et bienveillante, ne serait pas éternelle.
Rien ne l’était.
— « D’accord… » chuchota-t-il enfin. « J’ai compris ».
Et comme si ces mots étaient la clé du mystère, tout s’apaisa.
Le vent cessa de hurler, les nuages retrouvèrent leur lente dérive, les feuilles dansèrent doucement autour de lui. Et Max… Max redevint un chiot espiègle, gambadant à ses côtés.
Eléodon cligna des yeux. Son cœur battait différemment.
Le retour au village lui parut étrange. Tout était pareil, et pourtant… tout était différent.
Le chêne n’avait pas changé, mais il savait désormais qu’il grandissait en silence. Max sautillait à ses côtés, mais un jour, il marcherait plus lentement. Mamie Eglantine le salua de sa fenêtre, et Eléodon sentit soudain le poids du temps qui s’étirait derrière elle.
Cette fois, il s’arrêta un moment, la regarda et pris la mesure de l’instant qui passe.
Le soir venu, en se glissant sous sa couverture, il serra Nounours contre lui et chuchota :
— « Le temps ne prend rien… Il nous offre chaque instant… Prenons ce présent… Gardons-le dans notre mémoire».
Et, le cœur léger, il s’endormit en sachant qu’il chérirait chaque jour, chaque éclat de rire, chaque battement d’aile d’un papillon.
Le temps n’est pas un ennemi. C’est un ami discret qui nous offre chaque instant avant de l’emmener avec lui. Apprends à l’aimer, et il te rendra chaque moment inoubliable.
kirikiki l'histoire est finie !...
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