6 Février : Emmy La Vagabonde des Limbes
9- Emmy, la Vagabonde des Limbes
Dans un repli oublié du monde, entre des collines moirées de brume et des forêts où l’on murmurait encore d’anciennes légendes, se trouvait Avelglaz, un village figé hors du temps. Là, les pierres des maisons semblaient exhaler les souvenirs de ceux qui les avaient bâties, et les chemins pavés serpentaient entre des jardins foisonnants où dansaient des fleurs aux noms oubliés.
C’est en ce lieu que naquit Emmy, une fillette aux grands yeux rêveurs et à l’esprit insaisissable. Dès son plus jeune âge, elle semblait ne jamais appartenir entièrement à la réalité : son regard errait vers des horizons invisibles, et son souffle se calquait sur le rythme d’une musique que nul autre ne pouvait entendre.
Les autres enfants du village, pleins de vie et d’espièglerie, s’étonnaient de la voir rester à l’écart de leurs jeux. Ils la surprenaient parfois, figée en plein milieu d’un sentier, les yeux perdus dans le vide, un sourire flottant sur ses lèvres comme si elle conversait avec des êtres qu'elle seule pouvait voir.
Mais c’était surtout à l’école que son esprit vagabondait avec le plus d’ardeur.
Quand le sévère Maître Philémon, silhouette austère taillée comme une poutre de chêne, traçait des lettres au tableau, Emmy, elle, n’y voyait point des signes à déchiffrer. Elle y devinait des constellations, des clefs ouvrant des portes d’un ailleurs que personne ne connaissait.
— Emmy ! tonnait le maître en frappant la table du plat de la main. Votre esprit est encore parti en goguette ! Revenez donc parmi nous, par tous les diables !
Mais comment revenir lorsqu’on s’envole si loin ? Lorsque chaque mot dans un livre devient un chant d’oiseau, une rivière sinueuse, un passage secret vers des terres où tout est possible ?
Les villageois chuchotaient en secouant la tête.
— Cette enfant vit dans les limbes !
— Elle ne saura jamais lire correctement, et que fera-t-elle de sa vie, alors ? soupirait sa mère, Madame Aymard, une femme tendre mais tourmentée, dont les mains, toujours enfarinées, semblaient pétrir le pain et ses inquiétudes d’un même mouvement.
Et pourtant, Emmy, dans son silence rêveur, savait une chose que les adultes ignoraient : elle n’était pas perdue. Elle était ailleurs.
Mais dans un monde où l’on vit de mots et de savoir, pouvait-elle vraiment rester ainsi, éternelle vagabonde des songes ?
Un matin où la brume avalait les contours du monde, un vieil homme s’installa sur la place du village.
Il s’appelait Théodule, et ceux qui avaient entendu parler de lui murmuraient qu’il possédait des livres qui chuchotaient à l’oreille de ceux qui savaient les écouter.
Sa silhouette était un enchevêtrement de mystères : une longue barbe en cascade, un chapeau si large qu’il semblait capturer la lumière, et des doigts noueux qui caressaient constamment la couverture d’un livre d’une taille extravagante.
Il s’arrêta devant Emmy et la fixa d’un regard où pétillaient des galaxies invisibles aux yeux des mortels.
— Alors, petite étoile vagabonde, on me dit que les mots s’enfuient dès que tu les regardes ?
Emmy ne sut quoi répondre. Elle baissa la tête, honteuse.
— Voyons donc cela…
Il posa devant elle un livre relié de cuir noirci, orné de filigranes d’or représentant des arabesques enchevêtrées. Un livre ancien, un livre étrange, un livre qui semblait respirer sous ses doigts.
— Celui-ci est spécial. Il ne s’ouvre qu’à ceux qui savent lire avec leur cœur.
Emmy déglutit. Elle posa ses doigts tremblants sur la couverture. L’ouvrage sembla frémir.
Elle tourna la première page… et aussitôt, les lettres s’animèrent. Elles dansaient, tourbillonnaient, prenaient la forme d’oiseaux de lumière, de flots écumants, de sentiers serpentins.
Mais cette fois… elles ne s’enfuyaient pas.
Elles lui parlaient.
Emmy lut. D’abord avec hésitation, puis avec de plus en plus d’assurance. Chaque mot trouvait enfin sa place en elle, comme une clé venant s’insérer dans la serrure parfaite.
Elle leva les yeux vers Théodule, émerveillée.
— Je comprends… murmura-t-elle.
Le vieil homme sourit.
— Les mots ne sont pas des chaînes, petite rêveuse. Ce sont des ailes. Apprends-les, et ils te porteront plus loin que tes songes eux-mêmes.
Ce jour-là, Emmy comprit que l’imagination et la connaissance ne s’opposaient pas.
Elle ne cessa jamais de rêver. Mais désormais, elle savait aussi donner à ses rêves une voix.
Rêver est une merveilleuse chose. Mais apprendre à lire et écrire, c’est offrir à ses songes un corps, une voix et des ailes.
Et ainsi, Emmy devint une conteuse renommée, une tisseuse d’histoires qui, par la magie des mots, ouvrait des portes vers des mondes où chacun pouvait, à son tour, se perdre… et se retrouver.
kirikiki l'histoire est finie !...
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